Karine, socio-esthéticienne, améliore la qualité de vie et l'estime de soi
Depuis six ans, Karine Renaud exerce en tant que socio-esthéticienne au sein des pôles médical et médico-social des Magnolias, à raison de trois jours par semaine. Son objectif : améliorer la qualité de vie et l’estime de soi des personnes âgées en passant par le corps.
En quoi consiste votre métier, exactement ?
J’essaye d’apporter du bien-être aux patients et aux résidents et de redorer leur image de soi qui se dégrade avec le grand âge. Je propose des soins du visage, des épilations, des massages de mains ou de pieds, des séances de manucure, de maquillage… Je m’adapte au désir de la personne, même si celle-ci ne l’exprime pas verbalement. Si l’épilation est douloureuse, je n’en pratique pas. Si la personne refuse que je la touche - ça arrive - nous nous contentons de parler en écoutant de la musique. C’est important de respecter son choix ! J’interviens à sa demande mais aussi, parfois, à celle de sa famille, des médecins ou des cadres de santé, toujours avec son aval. Ces soins sont gratuits pour les bénéficiaires, les produits achetés par l’établissement qui me salarie. Je pratique également le « Nursing Touch », une technique de « prendre soin » pratiquée avec bienveillance et respect. Il permet de soulager la douleur et d’apporter une détente profonde et prolongée. L’enchaînement de mouvements doux et rythmés peut se faire sur la peau ou au-dessus des vêtements, sur tout ou partie du corps. Moment d’échange et de partage, il participe grandement à l’amélioration de la qualité de vie, de l’état physique et psychique du receveur (réduction du stress, des angoisses, de la douleur) et facilite le sommeil. Je pratique également le Snoezelen, en chambre ou dans l’espace dédié, une méthode qui consiste à stimuler les cinq sens et à apporter du bien-être, notamment grâce au toucher (lire, à ce sujet, l’article de Sylvie Priou).
Ce métier nécessite-il une formation particulière ?
Absolument. En ce qui me concerne, j’ai passé un CAP d’esthétique/cosmétique, puis un DU (diplôme universitaire) d’esthétique en milieu médico-social à la faculté de médecine de La Sorbonne, pour apprendre à intervenir auprès des personnes vulnérables : dans les hôpitaux, les Ehpad, les centres de détention, auprès des femmes battues, etc. J’ai travaillé ensuite pour la Ligue contre le cancer, puis aux Apprentis d’Auteuil, avec des ados placés. Mais, très vite, j’ai eu envie d’exercer auprès des personnes âgées. Mon objectif ? Leur redonner le goût de vivre, l’envie de plaire, de se plaire, stimuler leur vitalité. Je leur demande parfois de se regarder dans un miroir et de me dire ce qui leur plaît le plus dans leur visage : le nez, la bouche, les yeux… Je porte leur attention sur ce qui reste, et non pas sur ce qu’ils ont perdu ; sur le moment présent et non pas le passé. J’essaye de faire en sorte qu’ils modifient leur regard sur eux-mêmes. Les soins de socio-esthétique permettent aux bénéficiaires de retrouver l’estime de soi, la confiance en soi et garder leur dignité.
Vos interventions sont-elles toujours individuelles ?
Le plus souvent, oui. Autrefois, j’organisais des séances en petits groupes pour stimuler leur envie de prendre soin d’eux. Mais j’ai dû arrêter car, les résidents étant de moins en moins autonomes, je les mettais en difficulté. Aujourd’hui, je propose des ateliers collectifs de bien-être à thème, souvent en lien avec la saison : des masques à base de marc de raisin en septembre, de citrouille en novembre, de chocolat autour de Pâques... Ils sont l’occasion de renouer avec des odeurs et des souvenirs d’antan, de rire également ! Une fois par an, j’organise aussi des soins aux aidants en petits groupes. Ils en ont bien besoin ! Enfin, je propose des séances Snoezelen aidant-aidé, pour inciter les proches à entrer en contact avec leur parent par le toucher. Souvent, on n’ose pas toucher les personnes âgées, on a peur de leur faire mal, on est mal à l’aise. Le rapport au corps devient compliqué avec l’âge, même s’il s’agit d’un conjoint. C’est lié à notre culture… Or, nous avons tous besoin d’exister physiquement, d’être pris dans les bras, caressé… Je me souviens d’une femme qui n’arrivait pas à toucher sa mère. J’ai commencé à masser la main de celle-ci, et je lui ai proposé de masser l’autre en prenant mon exemple. La reconnexion s’est faite, et elles ont pu se dire l’amour qu’elles éprouvaient l’une pour l’autre. Beaucoup de sentiments passent par le toucher, c’est le premier sens qui apparaît, dans le ventre de notre mère, et le dernier qui reste.
Quel a été l’impact du Covid et des mesures sanitaires sur votre pratique ?
Terrible ! Je n’avais plus le droit de toucher les résidents. Pendant un mois et demi, je me suis contentée de pratiquer mes soins de socio-esthétique et le « Nursing Touch » avec des gants. Les résidents avaient du mal à me reconnaître, avec ma combinaison de cosmonaute. Habituellement, je suis habillée en civil, ce qui leur permet de me distinguer des soignants, d’établir avec eux une autre relation. Et ils ne voyaient plus mon sourire derrière le masque… Heureusement, le regard sourit lui aussi !
Vous êtes également photographe…
Je suis photographe depuis 5 ans. Je trouve que la photo est un capteur d’émotions et que cette technique vient en complémentarité de la socio-esthétique. En 2019, j’ai travaillé en collaboration avec le photographe André Gloukhian qui avait pour projet de réaliser des portraits de résidents d’Europa1 avec un objet emblématique de leur vie. Avant ses prises de vue, j’ai pris un temps avec eux et leur famille pour choisir cet objet (photo d’un proche, livre, toque de chef de cuisine…) et réalisé une mise en beauté pour chacun d’eux. Le jour du vernissage de l’exposition, baptisée « Repères », quelle joie de lire la fierté sur le visage des modèles découvrant leur photo accrochée au mur !
Lors d’évènements importants, tels que les projets Culture & Santé ou les fêtes organisées par le service animation, je prends mon appareil photo pour immortaliser les moments importants. Lors des repas de Noël, par exemple, j’ai pris en photo les résidents et leurs proches, habillés avec élégance, dans un décor apprêté, pour qu’ils en conservent un beau souvenir. Au printemps dernier, j’ai emmené quatre résidentes voir l’exposition du photographe brésilien Salgado, à la Philharmonie. Elles étaient tellement heureuses de revoir Paris, la tour Eiffel ! A l’avenir, j’aimerais mettre en place des ateliers de photothérapie : apprendre aux résidents à exprimer des émotions à travers les images (portraits, autoportraits, lieux de vie, etc.), les amener à capter les belles choses qui les entourent, au moment présent, se voir différemment.
Que vous apporte votre métier ?
Beaucoup de joies ! C’est un métier très gratifiant, on se rend compte qu’il suffit de peu de choses pour apporter du plaisir aux personnes âgées. Je suis très attachée à elles, même si j’essaye de conserver la juste distance. Toujours pleine de projets, j’ai la chance d’être intégrée au service animation, très dynamique, avec qui je travaille beaucoup. En 2021-22, nous avons monté un ambitieux projet avec une chorégraphe, Maud Miroux, baptisé Mouvementé. L’objectif était de « mettre en mouvement » les résidents, de les faire danser avec les jambes, pour ceux qui en étaient capables, avec les bras ou les yeux pour les autres… Bref, de remettre là encore le corps au centre.