« Engagée dans ma maison de retraite »
Après sa retraite d'institutrice, Dominique Gambon âgée de 66 ans, a été atteinte petit à petit d’une maladie neurologique. Depuis trois ans elle vit au sein de son Ehpad le Clos Fleuri à Draveil un nouvel engagement individuel et collectif à partir de la présidence du CVS
« Quand je ne pouvais plus me déplacer, j'ai dû accepter d'entrer en maison de retraite, seule solution pour être aidée dans ma vie quotidienne et recevoir les soins nécessaires. Aujourd'hui, je me déplace en fauteuil électrique. J’ai d’abord ressenti de la révolte dans cette situation, puis je l’ai acceptée, en pensant que la vie est belle, même handicapée mais entourée de ma famille, de mes amis et de toutes les personnes avec qui je suis en relation au quotidien. La réflexion commune, est pour moi importante. Elle passe aussi par les visites, elles me permettent un lien de plus avec la vie extérieure, notamment avec mes amis et mes neveux
Le « Faire Ensemble » avec les résidents est très important pour moi. Par la chorale que j'ai animée en l'absence de Véronique notre animatrice et par les travaux manuels partagés. Quand je descends au salon, je suis contente qu'au son de mon « bonjour » les sourires reviennent. Je sens que les résidents apprécient de me voir ; ce n'est pas de la prétention de dire cela, mais ces sourires me ressourcent en même temps. C'est un lien qui se crée entre nous : ici c'est vraiment une grande famille. D'ailleurs quand quelqu'un décède, on est tous très peinés et bousculés. C'est difficile à vivre même pour les personnes qui ont du mal à participer et semblent dormir toute la journée.
Accepter les autres comme ils sont
Les familles ont parfois du mal à comprendre la situation de leur parent en maison de retraite. Pour ma part, je pense qu'il faut se réconcilier avec les siens. Ne pas en vouloir à ses proches et laisser cheminer les choses comme l'acceptation du handicap, de la maladie et de la situation de dépendance. Je crois à la bonté de l'être humain. Il faut accepter les autres comme ils sont et les laisser cheminer à leur propre rythme.
Engagée au Conseil de la vie sociale
J’ai pu « rebondir » ici en maison de retraite en continuant ma vie comme je la concevais avant, c’est-à-dire par mon engagement au Conseil de la Vie Sociale (CVS) dont je suis la Présidente. C’est une responsabilité que j’ai souhaitée. Quand on a fait la liste électorale, j'ai tout de suite dit « oui » et j'ai été élue à la majorité des voix alors qu'il n'y avait que six mois que j'étais là.
En tant que Présidente, je suis chargée : d'établir l'ordre du jour des réunions, d'organiser la réunion des résidents et des familles pour recenser et réfléchir avec eux à leurs besoins. Ainsi, on aborde notamment les questions d’animation, d’hygiène, de vie sociale. Prochainement, le plan de soins pour chaque résident va être revu. Soucieuse de l’alimentation, je suis aussi membre de la commission des menus. C’est essentiel, car le repas est souvent pour les résidents, le seul petit plaisir qui leur reste.
« Mon expérience militante se poursuit »
Ce qui est important également, ce sont les temps de fête pour les anniversaires, le gâteau partagé, les festivités musicales, la chorale. Il s'agit là pour moi de la continuité de mes engagements avant ma retraite. C'est la poursuite de mon expérience de militante syndicale quand j'étais institutrice. Pour essayer d'apporter du « mieux être » et du « mieux vivre » aux personnes.
Ma responsabilité me permet de vivre un collectif, de former une équipe et un tout, avec les soignants, la cadre de santé, l'animatrice et la direction. On doit prochainement renouveler le CVS en sensibilisant aussi les familles.
Ce qui m'intéresse et me tiens à cœur c'est de savoir « comment vont les gens ? En septembre 2018, comme ma mère ne se sentait plus capable de vivre seule dans son pavillon, elle a décidé de venir vivre avec moi vivre dans l’Ehpad. Après réflexion, j'ai accepté sachant que ce serait difficile mais comprenant qu'elle souhaitait finir sa vie auprès de moi. J'ai tout fait pour l'accueillir et malgré les réticences et les mises en garde de mes proches, j'ai accepté. Je crois qu'elle et moi en sommes satisfaites.
Je mesure aussi si l’importance d’avoir eu l’occasion, dans le cadre de l’université inter-âge de Créteil au moment de la retraite, de faire de la sophrologie, de la méditation, des techniques de relaxation. C’est ce qui m’a permis de me dire aujourd’hui qu’après tout, si je ne peux plus marcher, ma tête fonctionne parfaitement. Je continue à être moi-même.
Aujourd'hui, je continue à suivre mon chemin, à vivre dans la même direction qu'avant, malgré la maladie et le handicap. Je reste à l'affût de l’actualité pour m’enrichir. J'ai encore plein de projets dans la tête ; il y en a tant qu’il m’est difficile de tous les citer. Par exemple : obtenir ma carte d'handicapé pour pouvoir utiliser le bus adapté au handicap et aller voir les expositions de Paris, faire un pique-nique avec les copines (au port aux Cerises…).
«J’ai transmis mon témoignage a du personnel »
Je pense aussi qu'il va falloir prochainement continuer à se battre pour les retraites futures et les pensions de réversion, pour la médecine pour tous gratuite; mais également pour que la formation des aides-soignantes leur permettre d’être mieux reconnues et valorisées
Cette mise en écriture de ma vie depuis trois ans m’a permis aussi de faire le point. Ce témoignage transmis à du personnel et à ma famille a été bien perçu et réconfortant pour eux et pour moi. Il a permis de mieux me connaître et il pourra entrer dans mon projet d’accompagnement mis au point avec mon accord à la maison de retraite.
Le Covid perturbe mon engagement.
Même si notre Ehpad n'a pas été touché par des décès liés au Covid 19, les restrictions sanitaires notamment pour les visites perturbent les résidents et les familles, le CVS ne s'est pas réuni depuis des mois et n'est pas consulté. Je m'interroge sur la reprise d'une vie sociale normale.