L’accompagnement autour du deuil, une dignité reconnue

Publié le par François Curti

Isabelle Desmoulins, Psychologue à l’Ehpad Galignani de Corbeil-Essonnes a proposé un groupe de travail sur « l’accompagnement autour du deuil » … jusqu’à sa mise en œuvre dans l’établissement. Une approche souvent occultée dans plusieurs Ehpad selon notre Inter CVS. Ici la mort n’est plus un tabou.

« La mort c‘est un évènement naturel mais quand quelqu’un meurt ici, on ne le sait pas dit une résidente…Le fait de ne pas communiquer sur ce sujet auprès des résidents remet en cause leur dignité » affirme une famille, « Si l’on n’en parle pas les gens imaginent des choses encore plus terrifiantes, ça augmente les angoisses » souligne un membre du personnel

Partant de plusieurs autres constats un travail de réflexion et d’élaboration avec l’équipe autour de la question du deuil s’est avéré indispensable. Il a associé les résidents, les familles, un membre du CVS issu des familles à cette démarche. En effet, plusieurs tentatives de création d’un lieu de recueillement se sont heurtées soit à un manque d’investissement (lieu trop à l’écart) ou à une résistance (lieu trop présent). Par ailleurs, le système d’annonce par affichage seul (mis en place pour libérer la parole) ne suffit pas et a tendance à se perdre au milieu des autres informations.

On s’est appuyé sur des expériences et des travaux existants : une illustration par la visualisation en vidéo (lien ci-après ) une expérience « la haie d’honneur » dans un Ehpad de province :

Les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) comme appui à la réflexion  

Accompagner les proches du défunt : « L’accompagnement de l’entourage peut se poursuivre après le décès, afin d’aider le travail de deuil. L’organisation des rites funéraires participe à l’élaboration d’un travail de deuil car ils permettent de rendre hommage au mort et d’accompagner les proches endeuillés ».

Informer et soutenir les autres résidents : « Le décès d’un résident peut susciter de nombreuses interrogations et angoisses chez les autres résidents (…) Faire une place à la mort dans l’EHPAD permet à tous de s’y préparer et de la vivre le mieux possible. L’annonce officielle du décès est nécessaire. La manière dont l’EHPAD gère le décès d’un résident va avoir un impact sur les autres résidents ».

Il est recommandé :« D’informer les autres résidents du décès de façon individuelle pour les résidents proches (…) et de façon collective » « D’instaurer des rites/rituels (ouverts aux professionnels) qui permettront de mettre en place un travail de deuil (bougies, photos, chapelle ardente, tableau, phrase, signature…)

Un temps d’échanges à Corbeil dans le groupe de travail a été nécessaire et utile. Voici quelques réflexions

Résidente : « J’apprécie que les familles continuent à venir ici après le décès de leur proche, ça me touche ». La mort c‘est un évènement naturel mais quand quelqu’un meurt ici, on ne le sait pas alors qu’on se voit au réfectoire, en kiné…on se connait de vue. Il faut qu’on demande. Parfois quelqu’un du personnel vient nous le dire. »

Famille: « Les personnes ont passé un certain temps dans l’EHPAD et c’est bien de pouvoir les saluer. Le fait de ne pas communiquer sur ce sujet auprès des résidents remet en cause leur dignité, il faut les considérer comme des personnes à part entière.  pourrait rendre un hommage aux résidents décédés dans le mois.

« Même si la mort est naturelle, tout le monde n’est pas préparé, les résidents se voient s’affaiblir et peuvent être angoissés, les familles aussi ; le relais et soutien des soignants est important.  Il faut que ce soit un lieu laïc … Cela peut-être le rôle des référents ?   Ce lieu doit être accessible aux familles qui connaissent certains résidents et leurs proches. Comme dans la vidéo qui suit un support écrit peut-être mis en place pour recueillir des témoignages à transmettre ensuite à la famille »

Personnel : « Avant, quand un résident décédait, on pouvait avoir un détachement pour aller à l’enterrement et l’accompagner jusqu’au bout(..) On connait beaucoup de famille et c’était bien de pouvoir les accompagner dans ces moments difficiles.  On est proche des résidents, il faut pouvoir leur annoncer, ce ne doit pas être que le rôle de la psychologue . Cela pourrait se faire pendant la revue de presse, de la même façon que les arrivées sont annoncées à ce moment-là . Si l’on n’en parle pas les gens imaginent des choses encore plus terrifiantes, ça augmente les angoisses (par exemple que l’on fait des expériences sur les résidents ou ils pensent que certains résidents sont décédés alors qu’ils sont hospitalisés. Pour les résidents ce n’est pas un tabou.. Problème du départ du corps qui parfois se fait sur le temps du repas (..) Les décès sont annoncés dans le journal de Corbeil à condition que la personne décède à Corbeil. Le journal est à disposition à la bibliothèque et à l’accueil mais peu de résidents y ont accès. Les résidents peuvent aussi se sentir rassurés de voir que leur vie compte et que le jour où ils disparaitront, les résidents et personnels penseront à eux, leur rendront hommage »

Une mise en œuvre adaptée respectueuse. Définition d’un lieu où l’information est donnée. Au vu des expériences précédentes, ce lieu est accessible à chacun sans s’imposer. Il est suffisamment chaleureux. Il est aménagé sur un petit meuble avec des fleurs (voir photo), et lors du décès d’un résident, un cadre avec la photo (si une photo est à disposition et si le droit à l’image a été donné) et/ou le nom, et la date de décès est installé et une guirlande allumée, carnet ou feuilles pour les témoignages. Dispositif mis en place pendant 8 jours. Illustration de la mise en œuvre en photos

Une expérience satisfaisante pour tous. Après plusieurs mois, les résidents, les familles et les professionnels sont satisfaits de cette démarche. Ils utilisent cet espace pour se recueillir et/ou apportent leurs soutiens et témoignages écrits aux familles des résidents décédés. Ces courriers sont transmis par l’Ehpad à la famille dans les semaines qui suivent le décès.

 

                                                  

L’accompagnement autour du deuil, une dignité reconnue
L’accompagnement autour du deuil, une dignité reconnue
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article