Marie-Louise, animatrice : « Apporter plus de joie, d’autonomie, de liberté et d’existence à chaque résident »
L’animation en Ehpad est pour Marie-Louise une vraie responsabilité exercée depuis deux ans à la Résidence Château de Dranem (Domusvi) à Ris-Orangis. C’est pour elle apporter aux résidents plus de joie, d’autonomie, de liberté et d’existence. C’est en fonction de la pathologie de chacun, répondre à leurs besoins, à des attentes, faire naître chez les résidents une envie par le jeu, le chant, le mouvement physique. C’est encore pour Marie-Louise, prendre du plaisir à partager, un savoir-être et un savoir-faire à valoriser.
Voici à la suite, l’Interview réalisée par Marie-Pierre, membre du CVS et fille d’Yvonne (89 ans), atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis 17 ans et résidente dans l’établissement.
Marie-Pierre : En quoi consiste votre travail ?
Marie-Louise : Je dirais que l’animation en Ehpad est une vraie responsabilité, c’est une prise de conscience de l’existence de la personne pour lui apporter le plus de joie, le plus d’autonomie, le plus de liberté, le plus d’existence possible par des jeux, par des activités sportives, cognitives …
Donner du sens à l’existence du résident
Il y a un vrai travail qui est d’apporter, de donner à l’existence des résidents quelque chose de fort qu’ils méritent. Quand ils font par exemple du Djembé, ce n’est pas : on les amuse, c’est un professeur d’université qui donne de vrais cours et qui adapte ses cours en fonction de la pathologie de chacun, en fonction de ses besoins. L’animation c’est donc aussi de répondre à des besoins, à des attentes…
M-P : Et suivant les capacités de chacun aussi, j’ai vu que vous y faites très attention, ce n’est pas toujours facile …
M-L : Oui, bien sûr, c’est vrai ; quand je fais un jeu de mot, je ne fais pas seulement un jeu de mot, on s’amuse puisque de tout de façon c’est plus facile de le faire en s’amusant, mais quand on s’amuse et que je pose une question : Mais c’est quel chanteur ? etc. Le résident se projette dans ses souvenirs.
Instaurer des moments de joie
Tout ce que j’entreprends, c’est instaurer des moments de joie, parfois on peut avoir l’impression que certains résidents n’entendent pas, ne participent pas, mais non ! ils entendent. Ici nous avons un malvoyant, moi, dans ces jeux, je suis ses yeux et il participe, il s’éclate!
M-P : J’ai vu que vous faites de nombreuses activités, très différentes, quelles sont celles qui, selon vous, fonctionnent le mieux en groupe ?
M-L : Alors je dirais que toutes les activités en groupe fonctionnent bien à partir du moment où vous avez en tête qu’elles fonctionnent ; si je ne suis pas bien, les résidents vont ressentir ce malaise. Je pense que la base d’une activité part de l’état d’esprit dans lequel on les y emmène et de la manière dont on les y emmène. Les meilleures activités de groupe c’est dès qu’ils s’amusent, dès qu’ils ne se sentent pas en difficulté, tant qu’on les valorise ; à partir du moment où on est dans la valorisation de l’autre et dans la joie, quelle que soit l’activité, elle sera bonne. Bien sûr, il y a des jeux qui peuvent ne pas plaire au résident sur le moment parce qu’il a aussi ses pathologies …
Valoriser les résidents
Mais quelle que soit l’activité, si nous sommes dans la joie, on peut emmener les résidents dans l’activité. Tant qu’on le valorise, qu’on lui dit : Bravo ! C’est super ! Le résident va vers quelque chose d’autre, on a besoin de ça, nous sommes des êtres humains. Toutes les activités que je fais avec les résidents, ce sera toujours dans la valorisation, même un match de basket, je crois qu’ils sont vraiment des basketteurs quand ils sont sur leur chaise ; quand on fait de la gym, même s’ils n’arrivent pas à lever la jambe, ils arrivent à lever la jambe car je le fais avec eux. On peut adapter, fédérer quelle que soit l’activité.
M-P : J’ai souvent entendu et lu que le chant, les chorales étaient des activités phares, qui emportaient l’adhésion de quasi tous les résidents …
M-L : Oui, ils aiment chanter car il y a de la joie dans le chant mais pour moi, quelle que soit l’activité, si elle a du sens pour certains résidents, elle fonctionne ; comme par exemple, prenons la pêche, moi je déteste la pêche, mais quand j’emmène un groupe avec des passionnés de pêche, leur joie et leur entrain sont communicatifs à tout le groupe.
M-P : Oui, car même s’ils ne partagent pas leur passion, ils partagent leur joie. Parfois, lors de certaines activités, j’entends néanmoins des résidents dire « Moi je n’aime pas faire ça … » et j’ai remarqué que souvent ils disent cela quand ils se sentent en échec, une manière de se rassurer, non ?
M-L : Ce peut être aussi pour justifier qu’ils n’y arrivent pas, c’est pourquoi parfois je leur dis : Trouvez-moi n’importe quel mot … et là, la personne y arrive, elle s’y plaît, elle a trouvé 2 mots : Ah ! C’est chouette, mais bon pas tout le temps… Vous avez vu le film qui a été réalisé avec les résidents ?
M-P : Oui, j’étais avec maman dans la salle lors de la projection ; j’ai trouvé ce documentaire exceptionnel, authentique, très émouvant ; j’ai vu des larmes couler des yeux de plusieurs résidents quand ils se regardaient dans ce documentaire, c’était à la fois poignant et beau !
M-L : Vous avez donc vu Mme ……… qui parlait de sa maladie d’Alzheimer, même quand elle était en difficulté, cela lui créait une émotion qui lui faisait faire encore l’effort de chercher pour exprimer ce qu’elle ressentait ; la difficulté n’est pas toujours négative, je la crée même parfois pour faire naître cette envie d’aller chercher.
M-P : Vous avez devant vous un public qui est quand même très hétérogène, comment faites-vous ?
M-L : J’adapte. C’est un challenge à chaque fois de satisfaire chaque personne. Dans une salle il y a 30 personnes, chaque personne est différente, comment fait-on ? Je vais poser des questions différemment et différentes selon les groupes.
Terminer les jeux par une chanson
Pourquoi je rajoute souvent des chansons ? Tous les jeux doivent se terminer par un chant, par un questionnement, par un quiz sur des chansons, c’est important à la fin de terminer par quelque chose de ludique, un moment de joie car certaines personnes pensent que nous sommes à l’école, mais nous ne sommes pas à l’école, il faut que l’activité se termine par un moment de joie pour tous, même pour ceux qui disaient durant le jeu: Je ne sais pas, même s’ils savent d’ailleurs, mais c’est aussi rassurant pour certains de dire je ne sais pas car on sait qu’on ne sait pas tout.
M-P : Vous êtes un peu comme un chef d’orchestre qui dirige ses musiciens ?
M-L : Je n’aime pas le mot « diriger », je préfère amener, susciter, intéresser, fédérer, amener la personne, l’assemblée à prendre part ; ça devient non plus mon activité, mais la sienne, c’est là toute la différence avec l’animation socio-culturelle, moi j’ai un DUT animation socio-culturelle, mais comment amener l’épanouissement de l’autre, comment dois-je faire pour que ce je lui propose devienne sienne, c’est un savoir-être et un savoir-faire, les deux sont nécessaires ici, c’est là toute la différence - pour moi en tout cas - et c’est pour cela que je prends plaisir à faire mon travail car je le dis si je ne prends pas plaisir, je peux partir, ça ne sert à rien de rester là.
M-P : Votre DUT, vous l’avez fait avant de commencer l’animation ?
M-L : Non, j’ai commencé l’animation très jeune. Ensuite soit je faisais un DUT soit je partais en psycho ; dans les outils qu’ils me proposaient, que j’avais déjà expérimentés parce que je faisais partie d’une troupe de théâtre, j’ai eu envie de valoriser par un diplôme ce savoir-faire et ce savoir-être et je pense que ce DUT était le meilleur diplôme pour pouvoir apporter aux autres …
M-P : Il y en a beaucoup de DUT (diplôme de technicien supérieur) en animation socio-culturelle ?
M-L : Oui, mais après beaucoup se dirigent dans un travail de centre culturel. Moi-même j’ai été directrice d’un centre social et jeunesse et la plupart du temps j’étais sur le terrain car je me plais sur le terrain. J’étais responsable d’une structure à Orly, ensuite je suis partie dans le centre social et après forum jeunesse des 12-25 ans, ce n’était pas chose facile même si on a des outils et de l’expérience, c’était quand même un gros dossier.
Avoir du plaisir à faire ce travail
C’était un public différent, ici ça me change complètement, c’est beaucoup de travail, beaucoup de réflexion mais c’est gratifiant car quand vous voyez des résidents qui arrivent et sont tristes et qu’après je me dis : Waouh il a passé une superbe journée ! Et je me place aussi en tant que fille même si ce ne sont pas mes parents, mais je me dis : et si c’était mon père ou ma mère, j’attache une importance aussi à ça ou alors je ne ferais pas ce travail. C’est un travail qui mérite de donner beaucoup de soi, mais aussi d’avoir du plaisir à le faire.
M-P : Je ressens la façon dont vous présentez votre travail comme un engagement quasi de missionnaire …
M-L : Un engagement, oui bien sûr, notre premier besoin d’être humain est de s’engager, d’abord de faire pour soi-même, c’est aussi un peu égoïste car ça me fait du bien aussi à moi d’être là, ça me fait plaisir. Quand j’étais directrice de centre, ça me faisait plaisir aussi mais à un moment si je suis partie c’est parce que ça ne me faisait plus plaisir, on ne me donnait plus les outils, les moyens de réaliser les projets que je faisais, alors à quoi bon ? Quel intérêt ? Rédiger des projets pour rédiger ? Non ! Quelle utilité ? Pour qui ?
M-P : Votre réponse est d’une grande honnêteté intellectuelle ! Ici, je vois et j’entends les résidents heureux de votre présence : que ferait-on sans Marie-Louise ? Ils vous sentent aussi très altruiste.
M-L : Oui, c’est dans ma nature. Je prends plaisir à partager, et j’ai aussi beaucoup de chance de les avoir car ils me supportent aussi, ils acceptent d’échanger avec moi, tous ensemble. La vie est un échange, que ferais-je sans eux ?
M-P : Est-ce qu’il y a des différences entre les activités que vous faites ici et celles que vous proposez au sein de l’UHR protégée où les résidents sont atteints de troubles neurologiques déjà avancés pour la majorité ?
M-L : Oui, je fais une différence, au début, il y a 2 ans, j’étais un petit peu perdue, je ne suis pas médecin, j’étais dans l’observation et je me suis mise à chercher ce qui pourrait leur plaire et j’ai trouvé les poupées d’empathie. Je ne fais pas cette activité de façon systématique car je voudrais créer le manque, le besoin car tant qu’il n’y a pas de problématique, on ne peut pas créer quelque chose.
Un savoir-être et un savoir- faire
J’ai fait acheter aussi des jeux pour l’UHR (unité d’hébergement renforcée), mais moi c’est le temps qui me manque, j’aimerais être deux Marie-Louise. Par exemple, il y a les jeux d’Amalgames qui sont très intéressants, tout ce qui est sensoriel aussi, j’adhère tout de suite, le gong ça leur plaît également. Je voudrais trouver un parcours avec de l’eau avec cette sensation chaud / froid sur leurs mains pour les stimuler. J’aime beaucoup aussi les massages physiques au niveau de la tête, des pieds, c’est aussi un savoir-faire, je l’ai fait dans ma formation, et un savoir-être aussi, mais ils requièrent beaucoup de temps et d’énergie, il faudrait que nous soyons plusieurs à le faire, mais vous savez aussi puisque vous y avez assisté que je fais avec eux des séances de relaxation musicale qui les apaisent bien. J’ai fait acheter des lunettes thérapeutiques SPIO qui combinent la relaxation par des sons (de la musique ou des voix) et la stimulation par la lumière en mode pulsé ou continu, la séance devant être adaptée à chaque problème. Mme H. , La directrice, sait que tout ce que je propose d’acheter, je l’utilise, elle est donc partante pour le bien-être des résidents.
M-P : Merci beaucoup Marie-Louise d’avoir pris le temps de répondre à mes questions et de nous avoir présenté votre beau métier, apprécié de tous dans notre résidence. Il mériterait vraiment d’être valorisé.