Nutrition, l'affaire de tous

Publié le par Anne Lanchon

La rencontre Inter CVS 91 du 13 février 2023 a eté entièrement  consacrée à la nutrition avec l’Intervention de Magali Baudot, cadre-diététicienne à l’hôpital des Magnolias et à la résidence Europa de Ballainvilliers

Les Magnolias comportent un pôle médical (hôpital) et un pôle médico-social (résidence Europa) ce qui permet, financièrement, de rémunérer une diététicienne à temps plein. Ce n’est pas le cas, bien sûr, de la majorité des Ehpad, mais, ce qui importe, c’est que la directrice soit sensible à l’importance de la nutrition pour initier de bonnes pratiques. L’alimentation est l’affaire de tous : de la direction, des équipes soignantes, des familles et du CVS.

Lutter contre la dénutrition

L’alimentation doit être une priorité absolue dans les Ehpad. La dénutrition touche 15 à 38 % des résidents en Ehpad, avec des conséquences notoires sur leur autonomie (risque de chutes), leur santé (aggravation de maladies sous-jacentes) et, in fine, leur espérance de vie. Ce qui détermine la dénutrition, c’est la variation de poids et de l’IMC. Une personne qui pèse 90 kg et en perd 30 (un tiers de son poids), c’est plus grave qu’une personne qui pèse 50 kg et en perd 5 (un dixième).

Le bilan de santé fait à l’entrée dans l’établissement comporte une pesée. Il faudrait ensuite, idéalement, peser le résident chaque mois.

Contrairement aux idées reçues, les besoins nutritionnels d’une personne âgée sont très importants (plus que ceux d’un adolescent), car elle dépense beaucoup d’énergie pour rester en bonne santé, lutter contre une éventuelle pathologie. Le déséquilibre s’installe lorsque les apports sont inférieurs aux besoins.

Il ne faut pas confondre dénutrition et malnutrition. La malnutrition, c’est lorsqu’il y a carence en vitamines, en sels minéraux, etc.

Lutter contre la perte d’appétit

La perte de l’appétit est fréquente dans le grand âge, pour de multiples raisons :

  • perte du goût et de l’odorat
  • satiété plus précoce
  • digestion plus lente
  • altération de la denture
  • stress, si changement de lieu de vie.

Or, plus on maigrit, moins on a faim. Il faut casser très vite ce cercle vicieux.

Pour maintenir un bon état nutritionnel il faut :

  • Entretenir une bonne hygiène dentaire (le plus important, et le plus compliqué) : se laver les dents quotidiennement, vérifier que l’appareil est adapté et nettoyé… Les familles ont un rôle de surveillance à jouer de ce point de vue. Il faut aussi prendre rendez-vous une fois par an chez le dentiste… Certains dentistes se déplacent dans les Ehpad. A l’hôpital gériatrique des Magnolias, un cabinet dentaire accueille des patients extérieurs. Certains Ehpad ont des infirmiers référents bucco-dentaires.
  • Former le personnel à l’alimentation des personnes âgées et à l’hygiène bucco-dentaire. La bienveillance ne suffit pas.
  • Favoriser le plaisir de manger et, pour cela, faire en sorte que l’alimentation soit variée, équilibrée et bonne. Les Ehpad sont obligés de suivre les recommandations du PNNS (programme national nutrition santé) pour les personnes âgées fragiles et celles du GEMRCN (groupement d’étude des marchés en restauration collective et de nutrition). C’est très règlementé, on ne peut pas faire n’importe quoi.
  • Proposer des repas riches en protéines. Les personnes âgées ont besoin de plus de protéines et de produits laitiers que les autres. En vieillissant, l’appétence pour la viande diminue, mais on peut la remplacer par du poisson, des œufs, des légumes secs, des laitages.
  • Limiter au maximum les régimes sans sel. Hormis dans le cas de certaines pathologies, les régimes sans sel et sans sucre, anorexigènes, sont à proscrire.
  • Soigner la présentation des plats. C’est essentiel pour donner envie de manger, y compris les textures modifiées (hachées, mixées). L’idéal est de fabriquer les textures modifiées à partir du repas normal, pour conserver les fibres et le goût, et de présenter séparément viande et légumes.
  • Respecter un jeûne de 3 heures entre le goûter et le dîner, pour que les résidents aient suffisamment faim le soir, et le limiter à 12 heures entre le dîner et le petit-déjeuner du lendemain (c’est rarement le cas dans les Ehpad, où les dîners sont servis très tôt). Sinon, proposer une collation de nuit.
  • Veiller à ce que les plats soient à la bonne température et bien assaisonnés (sel, poivre, sauce)

Favoriser la convivialité

  • Préférer les repas en salle à manger, plutôt qu’en chambre
  • Etablir des plans de table avec des voisins qui s’entendent bien
  • Laisser les résidents manger à leur rythme, ne pas les presser
  • Ne pas polluer l’espace sonore pendant les repas (télé trop forte)

Aide au repas

  • Proposer des aides techniques adaptées, avec les conseils d’un ergothérapeute
  • Aider sans faire à la place pour maintenir l’autonomie
  • S’assoir à la même hauteur que le résident, le regarder dans les yeux pour établir le contact
  • Donner à manger à une seule personne à la fois, pour être attentif à ses réactions
  • Créer de la relation : éviter de trop discuter avec ses collègues, annoncer à la personne ce qu’elle va manger, lui demander si elle aime, lui parler doucement
  • Respecter son rythme, ne pas la « gaver »

Présence des familles

Certains Ehpad acceptent la présence des familles pour qu’elles aident leur proche à manger. C’est appréciable pour le résident et cela soulage les soignantes, qui peuvent se consacrer davantage aux autres. Mais cela eut créer un sentiment d’injustice. Limiter cette présence aux repas en chambre ?

Favoriser l’activité physique

C’est essentiel pour mettre en appétit, conserver l’autonomie le plus longtemps possible, limiter la perte musculaire, osseuse, la constipation. En dehors des éventuelles séances de kiné ou d’activité physique adaptée (APA), inciter les résidents à matcher pour se rendre à la salle à manger ou aux animations, à se déplacer dans leur chambre. C’est plus compliqué avec l’avancée en âge, mais on peut aussi bouger en fauteuil.

Commission restauration

Les familles (et pas uniquement les élus du CVS) peuvent participer à la commission restauration, mais la présence des résidents - les premiers concernés - est plus importante encore, pour dire ce qu’ils aiment ou non, faire des suggestions. Les cuisiniers n’ont pas toujours les temps d’aller dans les unités. Aux Magnolias, des visites des cuisines sont organisées régulièrement pour les résidents. Ils se rendent compte des contraintes de la restauration collective (pas de viande crue), réalisent que la cuisine est faite avec des produits frais, et peuvent faire leurs commentaires et suggestions directement aux cuisiniers. Ce contact est essentiel, y compris pour les professionnels qui ont besoin de savoir pour qui ils cuisinent.

Budget

Un budget de 5 à 10 € par jour (hors main d’œuvre) permet de proposer des repas de qualité. Le problème, actuellement, c’est l’approvisionnement et l’augmentation des coûts des matières premières. Les petites sociétés de restauration souffrent davantage que les grosses. Si la viande devient trop chère, elle peut être remplacée par des œufs, sous réserve de respecter les besoins en protéine (100 g. de viande = 2 œufs).

Dans un Ehpad, à Juvisy, les portions sont adaptées à l’appétit de chaque résident pour éviter le gâchis. Il a été suggéré que les produits emballés (yaourts, compotes, gâteaux) non consommés et non entamés soient mis à la disposition de ceux qui mangent plus.

Lutter contre la déshydratation

Il faut être très vigilant aussi sur les apports hydriques, car la sensation de soif diminue avec l’âge. Boire moins de 8 « verres » par jour expose à un risque de déshydratation. La soupe est considérée comme un apport hydrique. On peut en proposer à chaque dîner.

Ne pas donner à boire avant les repas cependant pour ne pas couper l’appétit. Eviter, donc, la distribution des médicaments avant les repas. De même, éviter d’écraser les médicaments dans les aliments, pour ne pas en gâcher le goût.

Les bouteilles d’eau en plastique doivent être changées tous les jours. L’idéal, pour des raisons écologiques, serait d’avoir des fontaines à eau (elles viennent d’être réintroduites aux Magnolias), mais l’eau pétillante de celles qui en proposent n’est pas adaptée aux personnes à risque de fausse route (bulles trop grosses).

 

 

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